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Les limites de la raison (suite) : quand la mémoire s’efface, l’histoire recommence

“… nous devons accepter une vérité fondamentale :
nous sommes tous le produit d’une époque et d’un lieu particuliers.”
Dans Laurence Rees, La pensée nazie. Éditions Arpa, 2025, 546 p.

J’ai interrompu il y a déjà plusieurs mois une série d’articles sur “Les limites de la raison”. Cette série parlait entre autres de biais cognitifs et proposait une synthèse de divers ouvrages de psychosociologie. Après plusieurs billets consacrés à la déferlante “intelligence artificielle”, il m’a semblé utile, au prisme de diverses lectures récentes et de l’actualité, de reprendre cette série où elle s’était arrêtée.

Dans ce billet, nous allons voir, à travers quelques exemples, que la vérité est complexe, qu’il est facile de la travestir, et que de ne pas faire preuve d’esprit critique peut conduire à ce que l’histoire recommence dans ses aspects les plus dramatiques.

Imagerie
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L’échographie cardiaque de stress à la recherche d’une ischémie myocardique doit utiliser en priorité l’effort à chaque fois que le patient en est capable, ou à défaut la dobutamine couplée à l’atropine.
L’examen est difficile à interpréter car les critères utilisables (hypokinésie, akinésie et surtout tardokinésie) sont subjectifs, mais l’utilisation large d’une double lecture, notamment en période d’apprentissage, permet d’obtenir une performance diagnostique globalement comparable à la scintigraphie ou l’IRM.
En parallèle, les avantages sont nombreux : prix bas, disponibilité, innocuité, courte mobilisation… L’un des grands objectifs dans le domaine de la recherche d’ischémie est de ne pas méconnaître les patients à haut risque devant bénéficier d’une revascularisation (tritronculaire, tronc commun, IVA proximale) et, à ce titre, l’échographie de stress s’impose comme la technique de référence.

Imagerie
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L’IRM de stress est une technique arrivée à maturité. Deux modalités de stress sont disponibles (imagerie de perfusion sous agent vasodilatateur avec injection de gadolinium ; ciné-IRM sous dobutamine). Ces techniques ont une très bonne valeur diagnostique par comparaison aux techniques existantes.
L’IRM de perfusion a une valeur diagnostique supérieure à celle de la scintigraphie chez les patients pluritronculaires. L’IRM de stress permet de préciser la localisation et l’étendue de l’ischémie myocardique, éléments déterminants pour porter l’indication d’une revascularisation.
L’IRM apporte de nombreuses informations complémentaires (morphologie, fonction, viabilité) en un seul examen de 30-40 mn, non irradiant, et pour un coût modeste. Elle comporte une excellente valeur pronostique et peut être réalisée dans des conditions de sécurité équivalentes à celles des autres techniques.
Les indications sont réservées en priorité aux patients symptomatiques à risque intermédiaire ou élevé qui ne peuvent fournir un effort maximal ou pour lesquels le test d’effort n’est pas contributif.

Billet du mois
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Lorsque les résultats d’une étude ne sont pas publiés, certains peuvent penser que la meilleure façon d’en parler est de n’en rien dire puisque le discours s’appuiera sur des données incomplètes, imparfaites.

Metabolisme
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Des recommandations pour la prise en charge de la goutte ont été publiées par l’Eular en 2006. Elles sont claires et confortent globalement les rhumatologues dans leur attitude. Leur diffusion est néanmoins faible et a probablement été peu faite en médecine générale. Une synthèse et une proposition de standardisation de leur utilisation devraient améliorer la prise en charge de la goutte, qui n’est actuellement pas optimale.

Metabolisme
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Dans les rhumatismes inflammatoires
L’avènement des biothérapies a modifié radicalement la prise en charge des patients ayant un rhumatisme inflammatoire. Contrôler l’activité de la maladie n’est ainsi plus un problème dans la grande majorité des cas. Le rhumatologue doit prendre en charge le patient dans sa globalité en tenant compte de ses comorbidités, notamment du surrisque cardiovasculaire.

Metabolisme
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La goutte réfractaire est un terme discuté et qui ne devrait être réservé qu’aux rares patients en impasse pour le contrôle de l’hyperuricémie par les traitements usuels, habituellement un inhibiteur de la xanthine-oxydase (IXO) en monothérapie.
Ces malades ont en fait un âge ou des comorbidités qui rendent impossible l’utilisation des IXO aux doses efficaces. Ils devraient pouvoir bénéficier de la pégloticase quand celle-ci sera disponible en Europe, après obtention de l’autorisation de mise sur le marché (AMM).
Ces gouttes réfractaires doivent être distinguées des malades non compliants ou non observants, et surtout des goutes difficiles à traiter : sous ce terme, on retient les patients dont le contrôle des accès ou leur prévention ne peut être assuré avec la colchicine, les AINS, voire les cortisoniques. C’est la cible des antagonistes de l’IL-1, comme l’anakinra actuellement (hors AMM), ou le canakinumab, anticorps monoclonal anti-IL-1b, si son AMM européenne est accordée à terme. Nos patients goutteux vont donc, comme les patients atteints de PR, bientôt disposer de biothérapies.

Metabolisme
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Un certain nombre de patients goutteux ont une uricémie normale (11-49 %) lors d’une crise de goutte, probablement en raison de l’effet uricosurique de la réaction inflammatoire. Cette proportion de patients peut varier substantiellement avec la définition de l’uricémie normale (normes de laboratoire, seuil de saturation). Cette possibilité est d’ailleurs mentionnée dans les recommandations Eular, l’uricémie ayant “une valeur diagnostique limitée” durant la crise de goutte. Cette notion doit être connue du médecin généraliste, l’uricémie devant être contrôlée dans les 15 jours suivant une crise de goutte.

Pédiatrie
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La dysplasie broncho-pulmonaire est une pathologie qui reste un problème important en néonatologie mais qui a évolué dans sa présentation et sa gravité avec les progrès de la prise en charge. C’est aujourd’hui moins une pathologie iatrogène qu’une pathologie de la grande immaturité.
De ce fait, les moyens de prévention et de traitement sont limités. Certains ont fait la preuve de leur efficacité, comme les surfactants exogènes ou la caféine. D’autres sont probablement efficaces même si les résultats des grands essais randomisés ne sont pas clairement concluants. D’autres enfin sont efficaces mais dangereux, comme la corticothérapie systémique post-natale qui est délétère sur le plan neurologique et doit être proscrite sauf cas très particuliers ou essais cliniques.
C’est probablement de l’association de plusieurs prises en charge (respiratoire, nutritionnelle, anti-inflammatoire) que viendront les progrès.

Pédiatrie
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Le développement pulmonaire comprend 5 stades. Parmi ces étapes, l’alvéolisation est un phénomène essentiellement postnatal. Les nouveau-nés prématurés naissent donc à un stade très immature du développement où la multiplication alvéolaire et la croissance microvasculaire distale sont à peine ébauchées.
Des facteurs environnementaux peuvent interférer avec la régulation normale du développement pulmonaire et entraîner une interruption du développement alvéolaire, lésion histologique caractéristique de la dysplasie bronchopulmonaire (DBP).
Les études épidémiologiques et les modèles animaux ont permis de mettre en évidence les principaux facteurs de risque de DBP et certains acteurs moléculaires intervenant dans sa physiopathologie.
Enfin, plus récemment, une prédisposition génétique à la DBP a été mise en évidence, expliquant probablement la persistance de la maladie malgré une prise en charge optimale des prématurés, et ouvrant la voie vers une reconnaissance possible des nouveau-nés à risque et le développement de thérapeutiques innovantes.

Lipides
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L’oxydation lipidique est mesurable in vivo chez l’Homme, de façon non invasive, par calorimétrie indirecte. On a longtemps cru qu’elle pouvait contribuer à la résistance à l’insuline du “cycle de Randle”, en entravant l’oxydation et secondairement l’utilisation du glucose musculaire : les effets conjoints de l’insuline (stimulation de l’oxydation glucidique et inhibition de l’oxydation lipidique) accréditaient cette hypothèse, qui impliquait une accumulation de glucose dans les cellules musculaires, en amont de son oxydation. Mais la mesure des concentrations intramusculaires de glucose et glucose-6-phosphate, réalisée par RMN il y a une dizaine d’années, a montré qu’au contraire ces concentrations diminuaient lors de perfusions lipidiques. La résistance à l’insuline est alors liée à un défaut de pénétration du glucose dans les cellules musculaires du fait d’une perturbation de la signalisation insulinique induite par les lipides, qui ne nécessite pas leur oxydation. En fait, l’oxydation lipidique est évidemment favorable au contrôle du poids, et probablement à la santé en général.