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Les limites de la raison (suite) : quand la mémoire s’efface, l’histoire recommence

“… nous devons accepter une vérité fondamentale :
nous sommes tous le produit d’une époque et d’un lieu particuliers.”
Dans Laurence Rees, La pensée nazie. Éditions Arpa, 2025, 546 p.

J’ai interrompu il y a déjà plusieurs mois une série d’articles sur “Les limites de la raison”. Cette série parlait entre autres de biais cognitifs et proposait une synthèse de divers ouvrages de psychosociologie. Après plusieurs billets consacrés à la déferlante “intelligence artificielle”, il m’a semblé utile, au prisme de diverses lectures récentes et de l’actualité, de reprendre cette série où elle s’était arrêtée.

Dans ce billet, nous allons voir, à travers quelques exemples, que la vérité est complexe, qu’il est facile de la travestir, et que de ne pas faire preuve d’esprit critique peut conduire à ce que l’histoire recommence dans ses aspects les plus dramatiques.

Cardiologie interventionnelle
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Les avancées biotechnologiques et pharmacologiques se poursuivent irrésistiblement, facilitant les indications de revascularisation myocardique au cours de la maladie coronaire. Les techniques interventionnelles sont de plus en plus aisées, leur taux de complications ne croît pas grâce, notamment, à une gestion de plus en plus fine des stratégies antithrombotiques. Cependant, l’évolution quantitative des actes d’angioplastie est désormais sur une courbe négative, tout comme si les effets cumulés des études Courage, Fame, Syntax ainsi que les recommandations de 2010 commençaient à faire leur œuvre. Bien que limité à 2009 et ne pouvant tenir compte de tous les paramètres cités ci-dessus, le travail de Riley et al. [1] constate une décroissance de toutes les techniques de revascularisation à partir de 2004. Les données principales (en ne conservant que 2001 – début de l’étude, 2004 – inversion des courbes, et 2009 – fin de l’étude) sont résumées dans le tableau I.

Cancerologie
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Le concept de ganglion sentinelle a été décrit pour la première fois en 1977 dans les cancers du pénis [1], puis largement développé par Morton dans les années 1990 pour le mélanome [2]. Il correspond au premier relais ganglionnaire d’une région anatomique, cutanée pour nous dermatologues.
Cette technique a permis d’abandonner le curage ganglionnaire dit “prophylactique” alors pratiqué aux Etats-Unis à cette époque.

Pédiatrie
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L’allergie au blé chez le petit enfant est fréquente. Elle peut être IgE-médiée, avec des réactions de type immédiat, ou non IgE-médiée, avec des manifestations chroniques, essentiellement cutanées ou digestives. Les manifestations digestives chroniques de l’allergie au blé ressemblent beaucoup à la maladie cœliaque qu’il faut éliminer avant d’envisager un régime d’exclusion, l’évolution de ces deux pathologies n’étant pas la même. En effet, dans la majorité des cas, l’allergie au blé guérit spontanément avec le temps. Chez l’adolescent, l’allergie au blé peut se manifester par une anaphylaxie induite par l’effort, la réaction anaphylactique apparaissant durant un effort physique, uniquement si celui-ci a été précédé de l’ingestion de blé. Dans ce cas, le régime d’exclusion strict n’est pas indispensable, mais l’ingestion de blé doit être proscrite dans les quatre heures précédant l’exercice physique.

Insuffisance cardiaque
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Après une décennie d’échec des nouveaux traitements de l’insuffisance cardiaque, qui avait fait craindre que nous ayons atteint nos limites dans le traitement de cette maladie dont le pronostic demeure sévère, la décennie 2010 a fait renaître l’espérance grâce à deux études positives, SHIFT avec l’ivabradine et EMPHASIS-HF avec l’éplérénone, dont les résultats complémentaires présentés en 2011 viennent éclairer les mécanismes d’action et les indications. Ces nouveaux résultats devraient aboutir à la publication dès cette année de nouvelles recommandations pour le traitement de l’insuffisance cardiaque systolique.

Allergie
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L’iode est un oligoélément indispensable à la vie. Son apport est assuré par des aliments comme les poissons, les fruits de mer et les algues. Leur consommation dépend des habitudes alimentaires de chaque pays. La prévalence de l’allergie à ces aliments est également imprécise du fait de l’absence d’individualisation des données par type d’aliment concerné. L’allergie à l’iode alimentaire n’existe pas. Cette terminologie est utilisée à tort pour désigner la survenue de réactions le plus souvent allergiques, médiées par des IgE spécifiques d’allergènes des produits de la mer : les parvalbumines pour les poissons, la tropomyosine pour les crustacés et d’autres allergènes pour les algues. La connaissance des réactions allergiques entre les poissons ou entre les fruits de mer permet de prévenir une récidive accidentelle potentiellement sévère. De même, les réactions allergiques croisées entre allergènes respiratoires (pneumallergènes) et allergènes alimentaires (trophallergènes) sont classiques.

Dermatologie
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La pharmacovigilance est à la fois un système réglementaire, une science à part entière et un acte quotidien de l’exercice médical. Les centres de pharmacovigilance ont été créés dans les suites de l’affaire du thalidomide à la fin des années 1960.
L’affaire du Médiator a révélé un certain nombre de défaillances dans l’encadrement du marché du médicament, d’où une réflexion nationale pour essayer d’obtenir une constante dans le dispositif de pharmacovigilance afin, notamment, de limiter les conflits d’intérêts entre acteurs de la santé et laboratoires. Cette réflexion a débouché sur un avant-projet de loi renforçant le système du médicament qui sera adopté à l’Assemblée nationale le 19 décembre 2011. L’Afssaps, rebaptisée Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, aura un rôle majeur, renforcé notamment dans le suivi des médicaments après AMM et dans le suivi des prescriptions hors AMM.

Divers
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L’année 2011 a été riche en recherches sur l’épidémiologie cardiovasculaire. Elle a permis de faire le point sur la maladie coronaire en France, la mortalité, la consommation tabagique. L’année 2011 a également apporté des réponses à certaines interrogations sur la nutrition avec des données confirmant l’importance du régime méditerranéen dans la prévention du risque cardio-vasculaire.

Vasculaire
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Les mystères perdurent dans les relations entre la PPR et la maladie de Horton. Il n’est pas certain que toute PPR soit une maladie de Horton, avec ses risques vasculaires, en particulier de cécité.
La corticothérapie est un traitement brillant à la fois de la PPR et de la maladie de Horton, efficace immédiatement et pour une période prolongée. Le grand défi du clinicien est toutefois de donner la dose minimale suffisante compte tenu de la fréquence des complications iatrogènes liées à la corticothérapie.
Les alternatives thérapeutiques actuelles sont peu efficientes. L’inhibition de la voie cytokinique interleukine-6, par exemple par le tocilizumab paraît prometteuse, mais elle doit être vérifiée dans les conditions de la médecine basée sur les preuves.

Diabète et Métabolisme
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Le diabète gestationnel (DG) diagnostiqué pendant la grossesse recouvre deux entités différentes : une anomalie de la tolérance glucidique apparue en cours de grossesse et le diabète de type 2 diagnostiqué à l’occasion de la grossesse, mais qui préexistait. Les complications sévères ne se rencontrent que dans cette dernière situation. La seule conséquence démontrée d’un DG est la macrosomie qui est la cause essentielle des complications. L’obésité maternelle est un facteur de risque de complications surajouté. La connaissance des risques liés à la grossesse d’une femme avec DG permet d’orienter les patients dans des maternités adaptées pour la prise en charge.
Il n’y a pas d’indication pédiatrique à organiser la naissance dans une structure spécialisée, sauf en cas d’anomalie sévère de la croissance fœtale, de malformations graves ou de risque de prématurité. L’organisation logistique de la maternité doit être en mesure d’assurer la surveillance et la prise en charge des accidents hypoglycémiques et autres complications de ces nouveau-nés. Il est recommandé de surveiller systématiquement la glycémie des nouveau-nés de mère avec DG traité par insuline ou en cas de macrosomie ou de retard de croissance. Les bilans complémentaires à la naissance ne sont pas systématiques, mais sont indiqués en fonction de la situation clinique de l’enfant.